Loi Macron Commerce équitable : R.A.S…

Pour le reste : le secret des affaires prévaut sur la transparence

04011416_capital_x1pe1      Le 16 janvier 2015, la commission d’examen concernant le projet de loi dit de «LA CROISSANCE ET L’ACTIVITÉ» (Loi Macron) à l’Assemblée nationale a décidé de mettre un terme à la Commission nationale du commerce équitable (CNCE) et de confier les attributions de reconnaissance des «labels» à une nouvelle commission de concertation du commerce (3C) qui aura pour mission « d’éclairer et de conseiller les pouvoirs publics sur la situation du secteur du commerce en France et sa contribution au développement de l’économie et de l’emploi. »[1]

S’il s’agit d’un léger mieux car c’est enfin sortir le « commerce équitable » d’un entre soi, on peut regretter que le législateur n’ose pas revenir sur cette loi de 2005 qui inscrit le commerce équitable dans un héritage idéologique tiers-mondiste2, reflet de cette arrogance française à vouloir «normaliser» le commerce équitable.

Au lieu de perdre du temps et de l’argent à produire des textes législatifs confus qui créent des commissions pour dire le droit sans l’assumer, si le gouvernement souhaite soutenir un commerce mondial moins inéquitable, il pourrait par exemple :

– Accorder des visas à des syndicalistes qui risquent leur vie pour défendre des règles de base de l’OIT[3], afin de venir témoigner de leurs combats en France, et faciliter l’accès au droit d’asile quand leur vie et celles de leurs proches sont menacées à cause de l’exercice de leur mandat syndical. Les engagements d’un commerce équitable cohérent sont intrinsèquement liés aux combats syndicaux de défenses des règles de l’OIT.

– Renforcer les effectifs de la DGCCRF[4] pour organiser des contrôles sur les allégations commerciales mises en avant par des entreprises en matière de commerce équitable, d’économie sociale et solidaire et de développement durable, plutôt que de s’en remettre à des organismes de contrôle privé.

– Exiger à minima la transparence en matière de publication des comptes, quel que soit le statut juridique de l’entreprise, qu’elle soit lucrative ou non, et à fortiori quand elle se réclame du commerce équitable.

À ce sujet, on ne peut que déplorer que le gouvernement précédent ait décidé que les entreprises (inscrites au RCS) aient désormais la possibilité de ne pas rendre public leurs comptes annuels, en les rendant uniquement accessibles aux administrations (option de confidentialité)[5]. Mesure que la commission spéciale de l’Assemblée sur la loi Macron a proposé d’élargir à l’ensemble des sociétés commerciales, consacrant au passage « la protection du secret des affaires »[6] dans le code du commerce, notion qui n’existait pas jusqu’ici.

Au nom d’une « intelligence économique » qui se nourrit une fois de plus du culte du secret, le traumatisme issu des affaires de corruption et de conflit d’intérêt du quinquennat actuel (Cahuzac, Morelle, Arif, Thévenoud) voudrait-il instaurer le devoir d’ignorance au mépris du droit de savoir?

Au risque d’être en contradiction avec le droit européen, la France inaugure ici une nouvelle régression en matière de droit à l’information et de contrôle démocratique des pouvoirs économiques. Cette même semaine la commission des lois de l’Assemblée nationale a également rejeté en bloc le projet de loi concernant le «devoir de vigilance des sociétés-mères» visant à responsabiliser les entreprises multinationales dans leurs relations avec leurs sous-traitants. Ce projet de loi avait été élaboré suite au drame de l’effondrement de l’immeuble du Rana Plaza qui a touché des milliers d’ouvriers textiles au Bangladesh. Deux ans plus tard, la plupart des victimes n’est toujours pas indemnisée et la responsabilité des donneurs d’ordre, toujours pas assumée.

 

Minga, le 28 janvier 2015

[1] http://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/2447/CSCRACTIV/SPE1955.asp

[2] Alfred Sauvy, l’auteur de l’expression en 1952 la désavoue cependant en 1988 dans un article du Monde : « Que l’on permette au créateur de l’expression tiers-monde, il y a déjà près de quarante ans, de la répudier, tant elle fait oublier la diversité croissante des cas. Englober dans le même terme les pays d’Afrique noire et « les quatre dragons » ne peut mener bien loin. ». Hanna Arendt écrira son livre « du mensonge à la violence « Le Tiers Monde n’est pas une réalité mais une idéologie. »

[3] Organisation Internationale du Travail http://www.ilo.org/global/lang–fr/index.htm

[4] Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

[5] http://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/actualites/00926.html

[6] http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion2139.asp