L’association « L’Envers du monde » adhère à Minga.

Quand on est en contact avec des populations dans le dénuement le plus total, les réalités concrètes du quotidien font vite exploser les schémas de développement les mieux intentionnés, comme par exemple le recours systématique au micro-crédit pour lutter contre la pauvreté.

banc 60 violet et vert 3C’est une situation à laquelle Virginie Toussaint s’est frottée pendant plus de 15 ans à travers différentes missions menées au sein d’ONG pour permettre à des familles très démunies d’améliorer par elles-mêmes leurs conditions de vie à Madagascar et au Burkina Faso. L’association « l’Envers du monde » est le fruit de son expérience et de celle de quatre amies ayant travaillé sur des projets d’action sociale dans les pays du Sud, dont elles tirent un constat : dans le domaine du développement, sans une bonne connaissance des réalités de terrain, sans implication des populations locales et sans travail développé dans la durée, les programmes sociaux (accès à l’éducation, à la santé, au logement…) touchent rarement les personnes les plus concernées.

Dessine-moi une sardine.

C’est à Antananarivo, capitale de Madagascar, que germe entre hasard et nécessité, le projet « l’Envers du monde ». Entre 2004 et 2009, Virginie conduit pour l’ONG française Interaide un programme dit « d’accompagnement familial » (AF) avec une équipe de 25 animateurs sociaux malgaches qui suivent à domicile près de 800 familles en situation de grande pauvreté. Divers ateliers sont organisés chaque semaine, notamment auprès des enfants défavorisés (battus, négligés, descolarisés…). Et c’est autour d’une visite au zoo qui permet aux enfants de sortir de leur quartier que se structure un projet « d’art plastique ». Une artiste plasticienne résidente à Madagascar est invitée à former les animateurs sociaux à la technique du papier mâché pour qu’ils forment à leur tour les enfants afin de réaliser un aquarium géant et divers dessins qui seront exposés lors d’une grande fête de quartier. Un projet qui connut un beau succès et ne resta pas sans suite.

Capture d’écran 2016-06-09 à 19.01.05Au hasard d’un séjour a Nosy Be (une île au nord de Madagascar), alors qu’elle côtoie les pieds dans l’eau des bancs de sardines au bord du rivage, Virginie eut l’envie de réaliser des sardines en papier mâché sans autre intention que de se faire plaisir. Mais elle découvre avec surprise que ces objets rencontrent une demande locale et y voit de suite matière à développer une forme de travail qui s’adapte aux réalités des femmes très pauvres suivies par le programme AF, souvent analphabètes, sans aucune formation ni savoir-faire, mères de nombreux enfants en bas âge, n’ayant accès ni au micro-crédit, ni à de la formation professionnelle et pour lesquelles aucune solution économique ne pouvait être proposée. Elle suggère alors aux animateurs sociaux de proposer à quelques femmes de fabriquer des sardines en papier mâché. Formées en quelques heures, elles peuvent alors travailler à domicile, à leur rythme, tout en gardant leurs enfants avec elles. Le principe est de ne jamais les mettre échec en leur imposant des horaires, des déplacements et des objectifs qu’elles ne pourraient pas tenir. Elles sont payées à la pièce sur la base d’un salaire minimum légal, améliorant leurs conditions sans créer de tension au sein de leur communauté de vie. Très vite, les revenus générés permettent à la famille d’améliorer le quotidien, de reprendre confiance. Les animateurs sociaux peuvent ensuite engager un travail sur la gestion du budget familial, avant d’accompagner la famille sur un projet professionnel à plus long terme.

Au départ, Virginie achète toutes les productions et recherche des débouchés à Madagascar et aussi en France lors de ses retours annuels. Puis très vite, devant le succès social de cette approche, elle décide avec Cécile Martignac, une amie française résidente également à Madagascar, de créer l’association « L’Envers du monde » en juin 2009. Dans la foulée, elles accompagnent la structuration d’une association locale, « Miis’Art’Dines », à qui sont transmis la démarche, les différents modèles d’objets en papier mâché créés par Virginie, les marchés locaux… L’Envers du Monde s’engage les deux premières années à acheter toutes leurs productions pour les vendre à l’export afin de dégager des revenus pour les femmes et d’en recruter de nouvelles. La principale exigence de L’Envers du Monde étant que Miis’Art’Dines recrute exclusivement des femmes en situation de très grande pauvreté, référées par les animateurs sociaux du projet AF.

gazelle multi 2En février 2010, Virginie part en mission au Burkina Faso avec une nouvelle ONG, pour développer à Oagadougou un projet d’accompagnement familial du type de celui existant à Madagascar. Les problèmatiques de grande pauvreté étant similaires à Tana et à Ouagadougou, avec la même absence de solution de développement économique et d’accès à l’emploi pour de nombreuses familles démunies, l’Envers du Monde mandate Virginie pour développer un nouveau projet de production artisanale par des femmes en situation de grande pauvreté vivant dans les zones dites non loties de Ouagadougou. En parallèle de son travail à temps plein en ONG, Virginie développe alors un petit atelier, crée de nouveaux modèles à base de matériaux recyclés, recherche des débouchés locaux et accompagne la structuration d’une nouvelle association locale, partenaire de l’Envers du Monde : l’association burkinabé Lez’Art’Dines.

Fin 2014, épuisée par les conflits internes à l’ONG dans laquelle elle travaille, le manque d’écoute pour les acteurs de terrain, les difficultés vécues et les charges administratives toujours plus lourdes qui vident parfois de leur sens les actions engagées, Virginie décide de faire un pas de coté et de poursuivre son action d’accompagnement social des personnes à Madagascar et au Burkina Faso à travers les activités de l’Envers du Monde.

La difficulté du retour d’une expatriée en Lorraine.

La richesse et la force des expériences vécues à l’étranger avec des populations pauvres rendent la réinsertion en France souvent difficile. Le décalage des réalités vécues engendre parfois une incompréhension qui modifie en profondeur les relations d’amitié nouées avant le départ. Cette difficulté, Virginie l’a éprouvée fortement lors de son retour en Lorraine entre 2000 et 2003. Mais c’est pour prendre ses distances avec une certaine forme d’engagement professionnel en tant qu’expatriée, qu’elle décide de se fixer en Lorraine en 2014 pour prolonger le travail conduit à Madagascar et au Burkina Faso pendant des années. La filière commerciale d’objet de déco consolidant le travail mené par les associations Miis’Art’Dines et Lez’Art’Dines.

Commerce équitable : entre les intentions affichées, la réalité de terrain et les contingences commerciales…

Au moment de la création de l’association en 2009, le souci de ne pas rester seule et de bénéficier de l’expérience d’autres acteurs conduit l’Envers du Monde à se rapprocher des organisations de commerce équitable, avec une question : comment construire des relations commerciales qui renforcent l’action sociale menée auprès des populations en grande pauvreté sur le terrain. Là encore, entre la noblesse des intentions et la réalité des pratiques sur le terrain, il y a parfois un sérieux décalage… Certains acteurs réduisant l’action de l’Envers du monde à du sourcing de marchandise, et son travail de création et d’action sociale, à une activité intermédiaire sans valeur. Mieux encore, certains lui demanderont de modifier les objets de décoration conçus pour en réduire le coût.

L’envie de partager, d’apprendre, de progresser avec d’autres, sans schéma préétabli par des cahiers des charges qui ont la prétention de définir un prix juste, a conduit « l’Envers du monde » à adhérer à Minga.

Capture d’écran 2016-06-09 à 18.22.38Association l’Envers du Monde
6 grande rue – 54 450 REILLON
Tél : 03 83 42 44 60 / 06 31 44 07 89

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