Jardin’enVie, adhérent de Minga depuis 2007 …

Renaît au printemps 2016 en coopérative

DFF2012_valerieJardin’enVie, installé à Bourg-lès-Valence dans la Drôme, sélectionne, reproduit et commercialise des semences et des plants issus de variétés populations libres de droits. Leurs capacités d’adaptation aux terroirs et aux évolutions climatiques, leurs bonnes qualités gustatives et nutritives, alliées à leur culture sans intrants chimiques de synthèse, les rendent particulièrement attractives aux jardiniers amateurs, aussi bien qu’aux professionnels.

Créée en association en 2007 puis ouverte au public fin 2009 , l’entreprise est devenue en avril dernier une coopérative (scop-arl). Parmi les fondateurs de Jardin’enVie, l’on retrouve Valérie Peyret et Éric Marchand qui sont des compagnons de route au long court de Minga. Ils ont notamment participé au positionnement de l’association dans le monde du travail et des métiers et aux campagnes « Alimentons » de repolitisation du sujet alimentaire de 2008 à 2012.

De la lutte contre les OGM à la promotion des semences populations libres de droits (aussi appelées « variétés paysannes »).

Comme le vivant, l’histoire de Jardin’enVie est tout sauf linéaire et prend racine dans de multiples engagements militants et professionnels. Impliqués dans le collectif local d’Attac Drôme-Ardèche en 2001, Valérie et Éric se sont fortement mobilisés contre les OGM notamment en soutenant  les « Dix de Valence » qui ont été jugés pour avoir participé à l’une des premières actions de fauchage de maïs OGM en France. Le 26 août 2001, 200 personnes y  avaient participé. Le 15 janvier 2002, dix d’entre elles étaient jugés en première instance à Valence. Le 8 février, le verdict était rendu, très lourd : 3 à 6 mois de prison (ferme ou avec sursis selon les accusés), de fortes amendes et 40 000 € de dommages et intérêts. La mobilisation comportait plusieurs objectifs : convaincre l’opinion publique que la dissémination des OGM concerne toute la société et pas seulement la profession agricole, créer un fort mouvement de solidarité pour provisionner notamment le paiement des amendes, assister les accusés juridiquement pour éviter les peines de prison et  qu’ils deviennent des martyres à la cause.

Cette mobilisation conduit Valérie et Éric à considérer que le combat contre les OGM et leurs dérivés sera vain, même s’il est gagné ou permet de gagner du temps, si on ne réagit que contre une technologie (OGM, CMS, hybride F1,…) . Les semences industrielles actuelles, présentées comme modernes, sont la conséquence d’une logique économique fondée sur la primauté du droit de propriété.

Aussi, ils choisissent de contribuer à proposer un modèle économique favorable à l’utilisation et à la diffusion de semences issues de variétés populations libres de droits (pour l’essentiel des variétés connues depuis longtemps, sélectionnées par des paysans/jardiniers sur plusieurs générations). Les règles administratives sur les semences sont régies par une interprofession contrôlée par des multinationales de la semence (Limagrain, Bayer-Monsanto, Syngenta, Dupont,…) et n’autorises à la vente aux professionnels que des semences inscrites au catalogue officiel. Les semences autorisées à la commercialisation sont pour l’essentiel des semences hybrides F1, élaborées en laboratoire après « épuration génétique ». Leurs caractéristiques techniques et/ou les droits de propriétés qui leur sont associés obligent les agriculteurs et les jardiniers amateurs à racheter régulièrement des semences.

Pour poursuivre leur action de sensibilisation, Valérie et Éric ont donc décidé de braver cet interdit en mettant en sachet, au nom du collectif Attac Drôme-Ardèche, des graines produites par Pascal Poot, agriculteur producteur de semences potagères dans l’Hérault. Ils prennent vite conscience que le bénéfice productif de ces semences remet en question des techniques agraires très largement répandues en maraîchage, utilisant essentiellement des semences hybrides F1, y compris en agriculture biologique. Il ne suffit donc pas de « libérer la semence » pour promouvoir une biodiversité cultivée indispensable à l’autonomie alimentaire.  La liberté de choisir comment produire et quoi consommer pour retrouver le plaisir des saveurs et une réelle qualité nutritive est aussi une question de savoir-faire.

Faire pour comprendre, faire pour expliquer

Pour étayer leurs arguments, ils décident donc de se lancer eux-mêmes dans la production de semences et de poursuivre ainsi l’engagement de Valérie,  jardinière qui était également membre de l’association Kokopelli et marraine d’une variété de semence ancienne promue par cette association (courge royal acorn). En 2001/2002, les premiers essais de production s’avèrent cependant décevants. Les semences utilisées, bien que paysannes, étaient en cause. Rencontrant Pascal Poot, ils comprennent que produire de la semence de qualité, c’est un métier. Valérie suit une formation à « Quatre Mâts Développement » à Marseille en 2006, pour préciser l’objet social de leur future activité professionnelle, puis elle suit avec Eric une formation pour passer un Brevet Professionnel Responsable d’Exploitation Agricole (BPREA) en 2007. Le diplôme et la constitution en association leur permet alors de s’installer en tant qu’agriculteurs, contournant ainsi l’obligation réglementaire d’avoir une Surface Minimum d’Installation (S.M.I.). Mais compter avec un demi-hectare de terre familiale, et quelques centaines de m2 de terre qui leur sont mises à disposition, cela reste très exigü pour développer l’activité.

Bouter «Auchan» hors des champs !

Trouver des terres agricoles exploitables, c’est pour tout projet d’installation le parcours du combattant. Mais en milieu périurbain, cela relève de la mission impossible. La force de la loi du m² « mine d’or » expliquée par l’entrepreneur Nottola, au début du film de Francesco Rosi «Mains basses sur la ville » de 1967, dans le changement d’affectation des sols de zone agricole à zone constructible à Naples, n’a pas pris une ride.

Ce qui vaut à Naples dans le film, vaut à Valence, comme dans toutes les villes confrontées à l’étalement urbain. Des villes se concevant comme un ensemble bâti où l’approvisionnement alimentaire de qualité pour toute sa population (comme l’accès aux logements et à l’emploi !) passe au second plan face à l’appétit des promoteurs immobiliers.
En 2006, le groupe Auchan a l’intention de bâtir une plateforme logistique régionale sur environ 1000 hectares dont plus de 200 hectares à Bourg lès Valence. Alertés par des habitants , Valérie et Éric participent à la mise en place d’une action collective pour s’informer sur le projet et mobiliser la population locale contre cet aménagement. Cette lutte s’articule également autour de la promotion d’un projet alternatif en matière d’emploi fondé sur le maintien d’activité agricole en milieu périurbain comme source d’un nouvel essort de l’économie locale. L’abandon du projet et le vote en 2013 à l’unanimité du conseil municipal de Bourg lès Valence du rachat de 1,8 hectares initalement destinés à ce projet immobilier pour leur redonner une vocation agricole est une victoire. Un bail précaire de 10 ans est signé entre la ville, l’association « terre avenir ville » (issue de ce collectif) et Jardin’enVie. La mobilisation se poursuit donc pour transformer ce bail en bail rural/agricole seul susceptible de permettre de financer les investissements nécessaires à revitaliser des sols maltraités et y conduire des cultures rentables sans intrants. Les adhérents de « Terre Avenir Ville » se donne pour objectif d’étendre cette réorientation de la politique foncière aux autres terres arables de l’agglomération, elles aussi trop souvent menacé de disparaître sous le béton ou être transformées en « espaces verts ».

Quand on dépend de la méteo, faire des prévisions économiques, c’est bien hasardeux.

Entre volonté et raisonnement, établir des prévisions économiques reste toujours un exercice délicat. Mais quand la production est étroitement liée aux conditions climatiques, c’est une autre affaire ! Les années 2013 et 2014 ont été particulièrement catastrophiques. Deux averses de grêle ont  détruit une grande partie de la production annuelle, ce qui se traduit par une perte d’environ 70 000 € investis dans les cultures implantées ces années là. Malgré tout, ces deux années ont été riches d’enseignements et d’observations sur le comportement des plantes en situation extrême. Une action de «recherche et développement» imposée par le climat, sans être provisionnée préalablement… le prix d’un coût pédagogique pour rentrer pleinement dans le métier d’artisans semenciers.

Gérer une croissance d’activité sans capital, met les nerfs à vif.

La demande croissante des jardiniers amateurs et de professionnels (agriculteurs, transformateurs et restaurateurs) est au rendez-vous. Mais faute de capital, et en raison d’un modèle économique qui se cherche pour produire des « communs» alors que les concurrents utilisent massivement les rentes issues des Certificats d’Obtention Végétale (COV) ou des brevets, c’est forcément le travail qui est mis à rude épreuve. Les tensions humaines prennent parfois un caractère douloureux, vis-à-vis des collaborateurs n’ayant ni les moyens, ni les capacités à endosser des responsabilités et les risques qui incombent à ce type d’entreprise.
La relation au vivant, ce n’est pas une démarche romanesque pour fuir l’(in)humanité et retrouver un passé paysan mythifié. La signature de Jardin’enVie « pour un retour vers le progrès » le précise d’ailleurs sans détour. Ne pas occulter des rapports sociaux parfois tendus, consubstanciels à toute communauté professionnelle qui prend des engagements sur un sujet aussi fondamental que  l’accès à une alimentation de qualité pour tous, c’est aussi cela  l’apprentissage du métier.
Refuser de s’accommoder de la précarité en transformant l’engagement professionnel en vocation au nom d’une cause, oblige à avoir un niveau d’ambition élevé en matière de développement qui ne peut être financé par le seul résultat de l’activité marchande, ni par l’acquisition de titre de propriété.
Quelles que soient les difficultés à surmonter, le développement actuel de l’entreprise est à porter au crédit des salariés et des adhérents toujours impliqués, mais aussi à celles et à ceux qui ont quitté le projet.

Le « faire ensemble », la marque de fabrique de Jardin’en Vie

pepinere-JardinenVie3Par le refus de privatiser l’héritage de la civilisation agricole qui nous a précédé en passant par des brevets ou des COV, le « faire ensemble » devient une obligation, intrinsèque à l’entreprise Jardin’enVie. « Faire ensemble » avec les agriculteurs associés pour tirer profit de l’usage de ces semences et devenir suffisamment qualifiés pour tirer un revenu complémentaire dans la production, la sélection et la reproduction de semences. « Faire ensemble » avec les cuisiniers pour prendre en compte la question des goûts et des saveurs. « Faire ensemble » avec des jardiniers amateurs pour améliorer leur production de légumes aussi bien en ville qu’en milieu rural. « Faire ensemble » avec la communauté scientifique pour mieux comprendre la complexité du vivant, qui ne se résume pas à un code génétique. « Faire ensemble » avec des épargnants solidaires pour accompagner le développement de l’entreprise sans remettre en cause la dimension artisanale du métier. « Faire ensemble » avec des collectivités publiques pour promouvoir une alimentation de qualité accessible à tous. « Faire ensemble », enfin, avec d’autres artisans semenciers pour défendre des intérêts professionnels communs et faire reconnaître leur métier.
La transformation de Jardin’enVie en société coopérative ouvrière de production(scop) était donc une évidence. C’est chose faite depuis avril dernier. La coopérative rassemble d’autres artisans semenciers comme Graines Del Païs, les épargnants solidaires de la  CIGALE « Les Jonquettes», l’association « Pour Jardin’enVie » et des habitants de l’agglomération membres de l’association « terre avenir ville ».

Jardin’enVie
429 Route des Chaux
26500 Bourg les Valence
Tél. : 0 679 675 671
Email : contact@jardinenvie.org

Jardin’enVie est membre du Réseau Semences Paysannes (RSP) et de l’association Croqueurs de carottes.